La voix du Sahel

SILENCE, MOURREZ EN SILENCE

Il paraît que le nouveau ministre des mines, M. Salif Lamoussa Kaboré était en visite à Essakane. C’est dans la logique des choses. Le nouveau locataire est venu toucher du doigt ce qui fait l’essentiel de son ministère, à savoir les mines. Sur les ondes de radio Burkina, le nouveau ministre a invité les sociétés minières à «investir dans les régions...» On est où là? Que font déjà les sociétés minières sur le terrain? Elles investissent. A Essakane, ce sont des milliards qui sont investis par Iamgold pour bien -sûr récolter des milliards et des milliards. C’est comme ça, l’argent appelle l’argent. Si les sociétés minières investissent déjà sur le terrain, de quel investissement parle donc le nouveau ministre des mines? Le ministre voudrait tout simplement inviter les sociétés minières à penser au bien- être des populations locales notamment affectées par leur présence sur les lieux. Est- ce le cas sur le terain?
Cas d’Essakane
A Essakane, et dans le cadre des activités de la mine d’or, les populations furent déplacées de leurs villages vers d’autres sites. Ces  déplacements  furent opérés à la  charge de la société Essakane SA. C’est  ainsi que des populations eurent droit à des «logements modernes,» à  des infrastructures socio- économiques (écoles, dispensaires, mosquées, etc). Les paysans qui ont eu leurs champs touchés par la mine auraient été recensés et auraient bénéficié de nouveaux champs. Il y a eu aussi des compensations diverses.  Sur place à Essakane, le projet appui les populations en maraîcheculture, en riziculture irriguée sans oublié les formations dont bénéficient les jeunes qui sont ensuite employés à la mine. Au regard de ce qui est fait sur le terrain, ont pourrait affirmer que les populations riveraines de la mine sont des nantis et que leur vie semble meilleure qu’elle ne l’était avant leur déguerpissement. En tout cas, avant la mine, les populations vivaient dans des cases rondes ou des huttes. Les villages ou les hameaux n’avaient pas de toilettes. Aujourd’hui, ces populations disposent de villages modernes, avec maisons modernes, latrines modernes, mosquées et eglises modernes.

Les « Iamgolands»
En tout cas,  les  nouveaux villages construits par la société Essakane SA ont déjà leur nom. Les jeunes de ces villages les ont déjà baptisés  « Iamgolands» . Un jeune d’un de ces villages explique ce qu’est un « Iamgoland»: « Un Iamgoland, c’est un village où tout brille de l’extérieur comme de l’or, mais à l’intérieur, c’est la désolation, la morosité. Quand  quelqu’un passe et qu’il voit  nos nouveaux villages, il peut nous envier. Mais s’il se donne la peine de venir voir nos conditions de vie, il risque de verser des larmes.»? Et pourtant au commencement, ces maisons étaient aperçues comme un signe de bien-être par les populations.  N’est ce pas? « C’est ce que nous avons cru au tout début, mais je dois avouer que je me sentais mieux dans mon biotope d’avant que dans cette cité moderne qu’est de venu mon hameau» avoue Hamidou Ag Rali. Et un autre de renchérir: « Un bon logement, c’est bien, mais s’il n’ y a rien à manger dans le village, on risque de le déserter. En tout cas, moi je préférais mille fois mon ancien village en huttes mais où la vie était moins dure, puisqu’on se débrouillait avec nos trous. Ici, nous sommes parqués là, derrière le haut grillage de la mine. Il n’ y a rien à des kilomètres à la ronde comme  site d’orpaillage à exploiter» Ces genres de recriminations, on les rencontre dans presque tous les sites construits par Essakane SA pour reloger les populations affectées. . On est amer contre la société. En clair, les populations ne sont pas satisfaites de leur nouvelles conditions de vie. Il y a donc quelque chose qui ne va pas.

Le faux départ ?
 Quand on échange à fond d’avec les populations, on se rend bien compte qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Et ce quelque chose tire son origine des fameux accords  conclus entre Gold Fields Burkina JV et les communautés affectées par le projet aurifère d’Essakane. Ces accords ont été menés du 26 juillet au 14 novembre  2007, soit au total 3 mois de discussions.Et il semble que c’est à partir de là que tout à été faussé. Que dit le fameux mémorandum?

Le contenu du mémorandum
 En fait, que contient ce fameux mémorandum signé entre les populations et Gold  Fields JV?
En vérité, quand on voyait ce qui se passait durant les négociations d’avec Essakane SA, on imaginait que quelque chose de solide allait sortir.  En effet, pendant les négociations, c’était le ballet des Gouverneurs, des Haut- Commissaires, des maires et autres directeurs à Essakane où ils étaient nourris et blanchis aux frais de la princesse, la société Essakane SA. Mais hélas, la montagne accoucha d’une souris.

Vous lirez le fameux mémorandum entre les lignes que vous ne verrez nulle part, un accord digne de nom signé entre les populations et la société Essakane SA. En vérité, tout était déjà tracé: Les points débattus ont porté sur:
Les sites de réinstallation, les compensations, les procédures de réinstallation. Voilà sur quoi ont porté les fameuses négociations entre les populations affectées et Gold fields à l’époque. 
Peut- on dire que ces points prenaient suffisamment en compte les intérêts des populations affectées par la mine? Il revenait aux dirigeants de ces populations d’en juger au regard de leur implication dans le processus de négociation.


Dans le cadre de ces négociations, il avait été mis en place un Comité Consultatif d’Essakane ( CCE). C’est le gouverneur du Sahel qui a créé le CCE par Arrêté n°2007-006/MATD/RSHL/G du 07 Août 2007. L’article 10 du dit arrêté stipule que « les frais de fonctionnement du CCE sont à la chargé de la Compagnie Gold Fields.
Sur le terrain, c’est le Haut- Commissaire de l’Oudalan qui fut bombardé Président du CCE, et qui rend compte au gouverneur. Dans sa composition, six (06) ministères sont représentés ( Mines, MATD, Environnement, Habitat, sécurité, agriculture...) Il y a ensuite, le gouverneur et tout l’Etat régional, ensuite les représentants des populations et des ONG.

Un dialogue à sens unique
Comme on peut le constater, les dés étaient déjà pipés . Celui qui paie commande la tête. Gold Fields qui payait tout ce beau monde  savait très bien ce qu’elle voulait en tant  que société.  Sachant bien que les négociations entre les populations constituaient un enjeu, Essakane SA va chercher à utiliser l’administration. La société tape fort et met le gouverneur dans le coup qui cré par arrêté un Comité dit consultatif. Le gouverneur met à la tête de ce Comité, le Haut- Commissaire de l’oudalan qui agi et lui rend compte. Ce coup bien monté, la société Essakane SA pouvait donc en toute logique imposer ses vues qui seront avalisées. C’est ce qui fut fait. Si demain, les communautés venaient à mettre en cause ce mémorandum et ses accords, Essakane SA a tout le loisir de dire: « Ce n’est pas nous, ce sont vos autorités qui ont piloté les travaux et qui ont même signé le document. ..» Comment est- ce donc possible que nos chères autorités aient pu ainsi vendre à vile prix l’avenir de leurs communautés? Car, c’est bien le mot, parce qu’il est inadmissible que soit géré à la  légère  comme cela fut le cas un  dossier aussi important que l’avenir des communautés affectées par une industrie extractive d’une ressource non renouvelable comme l’or en  survolant   totalement les questions de fond. que sont:

Les  compensations agricoles.
En effet, pour compenser les populations dont les champs seraient touchés par les travaux de la mine, Gold Fields va partir sur la base de rendement à l’hectare pour estimer les montants à payer aux populations au titre des dédommagements. C’est ainsi qu’ils ont estimé qu’un champ de mil à Essakane avait un rendement annuel de 550kg/ha. Ils ont estimé le prix du kg de mil à 170F/CFA . Ils ont pris comme année de référence, l’année 2005, «année du recensement des champs par la société Socrege»


Sur cette base de calcul, un paysan exproprié possédant 1 ha de champ de mil se retrouvait donc avec 93 500 FCFA par an. Dans le mémorandum, il est écrit que « la compensation sera payée en espèce et en 5 tranches dont payement  par an pendant 5 ans ». Donc avec ses 93500FCFA,  Gold Fields a trouvé  qu’un paysans  avait droit à : 515 328 FCFA ( y compris inflation) . Si l’on interprète ce qui est écrit dans le mémorandum, le paysan exproprié n’aura pas  droit à un paiement  du coup des 515 328FCFA.    Cette somme lui sera versée chaque année à raison de  93 500 FCFA pendant cinq (5) ans. Si l’on étale cette somme sur les 12 mois, le paysan aura droit à   sept mille sept cent quatre vingt dix neuf ( 7799) FCFA soit à peine 300F/jour pour survivre. Mieux, cette somme lui sera versée sur...cinq ans. Le temps de voir un bon nombre de paysans passer l’arme à gauche. Il aurait été donc sage de prévoir une clause qui permettrait aux ayants droit de ces pauvres bougres d’hériter en cas de cas. Cela n’a pas été le cas. Ou est donc le bien être ains promis à ces populations ? Quel est le seuil minimum recommandé par le PNUD pour vivre? Essakane SA a-t-elle tenu compte de cela?
Une fausse base
 La base de calcul n’est pas socialement correcte. D’abord, tout le monde connaît le caractère aléatoire des cultures  au sahel. Les rendements sont faibles. En plus, à  Essakane, les populations ne sont pas déguerpies pour
un raison d’utilité publique. Ce n’est pas l’Etat qui déguerpi les populations pour construire un barrage sur les lieux. Non. L’Etat a loué (vendu?) une portion du sol et du sous- sol avec ses richesses à des tiers  à des fins commerciales. Il se trouve que cette portion était la raison d’être de milliers de populations qui sont donc expropriées à vie. Le contexte est tout à fait différent. L’erreur de Gold Fields et de tous ceux qui ont conduit ces négociations, c’est d’avoir occulté le principe d’équité. Est- ce équitable de dédommager les populations à partir des rendements de sols lessivés et improductifs comme ceux d’Essakane? Si ceux qui ont conduit ces négociations avaient été vigilants, ils auraient  su que les populations expropriées ne vivaient pas seulement d’agriculture, mais principalement d’orpaillage effectué dans leurs champs. Dès lors que ces champs sont expropriés par la mine, ces populations n’ont plus rien, absolument rien. La base d’indemnisation de ces populations ne devrait  donc pas être le revenu aléatoire de leurs champs incultes mais le revenu que leur procuraient les activités d’orpaillage. Si cela avait été le cas, ce ne serait pas quelques pauvres milliers de francs qu’auraient bénéficié ces pauvres populations, mais des millions qui leur permettraient de jeter réellement les bases d’un futur meilleur, ceci avec un accompagnement adéquat de la mine . 
Et à vrai dire ces populattions y avaient droit, si tant il est vrai que demain sera cruel si  aujourd’hui est mal géré. C’est ce qui aurait pu inspirer nos chères autorités, celles qui se croient dignes de gouverner les braves populations. Mais hélas, encore hélas, nos chères administrateurs se sont contentées de survoler les vrais problèmes qui, tôt ou tard se poseront sur le terrain.
La santé
Nulle part, ce point capital n’a fait l’objet d’une négociation dans le mémorandum. Est- ce possible d’imaginer une mine de la taille de celle d’Essakane fonctionner des années durant sans aucune conséquence sanitaire sur la vie des populations et des animaux à moyen et long terme? Quelles sont les obligations de la société Essakane SA en cas de cas?  Pour la société, ses obligations se bornent à construire des Centres de santé là où cela est  demandé. De temps en temps, des campagnes de sensibs en matière de santé devraient être pris entre les deux parties  comme par exemple la mise en place d’un fonds de santé alimenté par le projet pour les cas critiques qui venaient à être constatés et qui engageraient la responsabilité de la mine. On n’en a pas fait cas. Donc, si de nos jours Essakane SA contamine ou tue même par accident, il n’ y a aucun engagement. Quelques billets de banque suffiraient  à calmer la douleur des pauvres bourgs. Si les pauvres populations n’avaient pas de voix pour le dire, et les autorités? Le maire de Gorom- Gorom par exemple devrait pouvoir dire aux miniers ceci: « C’est la fine fleur de ma population que je vous envoie pour travailler. Mieux, une usine étant ce qu’elle est, le risque zéro n’existe pas. Par conséquent, voilà mes exigences en terme de protection sanitaire pour mes populations». On discute, on négocie et on trouve un terrain d’entente. Mais hélas.

L’emploi.
L’autre jour, le maire de gorom tenait ces propos: « Les gens d’Essakane ne sont pas sérieux. Ils n’embauchent pas nos enfants. On les prend pour deux mois, puis on leur donne une attestation puis c’est fini». Cela fait bien sourire, car durant tout le processus de négociation, le maire de Gorom dormait à Esskane, mangeait gras et buvait frais. En tant qu’autorité élue et dont la commune abrite la société minière, c’est le maire de Gorom qui devrait élaborer ses propositions en matière d’emploi et les soumettre à la mine. «Voilà le quota qu’il faudrait à ma commune en terme d’emplois. Voilà le nombre de jeunes que je veux voir formés et embauchés au sein du projet par an sur toute la durée de la mine». Mais hélas, cela n’a pas été le cas. nulle part n’apparaisse un accord sur l’emploi des jeunes de la zone. Gold fields s’est contenté de promettre des formations aux jeunes. Non. Il fallait des engaments fermes. De nos jours, chacun crie à la «mafia» au népotisme, au favoritisme en matière d’emploi à Essakane. Selon certaines rumeurs, une marche était même en gestation contre certains responsables de la société qui sont indexés pour les raisons d’emploi. Et pourtant,  Il fallait y penser à temps.
La liste est longue.
En tout cas, la liste des ratées dans la mise en oeuvre du projet esskane est longue, en ce qui concerne les mesures d’accompagnement  des populations affectées.

A qui la faute ?
Qui pourrait être indexer dans cette affaire ? Qui n’ a pas joué son rôle ou assumé ses responsabilités?
Comme on l’a vu  au tout début, Essakane SA n’a pas mené les négociations dans la clandestinité. Non. Les négociations  avec les communautés affectées furent publiquement menées. Mieux, Essakane SA a tout fait pour créer les conditions légales de ces négociations. Ce fut la raison de la création du Cadre Consultatif d’Essakane, créé par arrêté du gouverneur de la région du Sahel et qui comprenait plusieurs sensibilités administratives, politiques et sociales. Nous pensons qu’Essakane SA a joué apparemment franc jeu en défendant bec et ongles  ses intérêts. Il revenait donc aux autres acteurs d’en faire autant pour leurs populations. Et là bas qu’il y a eu carence.
Complicité de l’administration?
S’il y a un coupable dans cette affaire, ce ne peut- être que l’administration régionale avec le gouverneur de la région en tête. Pourquoi. Il y avait  d’un côté la société Essakane SA, toute puissante, et  d’un autre côté, les populations affectées. Essakane SA met sur la table, les points qui lui paraissent importants, à savoir déplacer les populations afin de lui permettre de travailler tranquillement. Pour cela, Essakane SA propose des mesures d’acompagnement qui, visiblement  ne feront pas l’affaire à long terme des populations affectées. Il revenait donc aux dirigeants de ces populations de savoir lire entre les lignes et ensuite conseiller et guider les populations à poser  leurs révendications auprès de la société. Ce qui  ne fut pas le cas. Bien au contraire, l’administration, de par sa présence a certainement constitué un obstacle aux revendications des populations. Que peut dire un paysan en préence d’un Haut- Commissaire, d’un préfet ou d’un maire? Donc, en définitive, ceux qui ont ligoté mains et pieds des populations affectées  pour la mine ont pour nom, le gouverneur de la région du Sahel et son administration.. Ce sont ceux- là qui, un jour au l’autre devraient répondre devant le tribunal de l’histoire. 
Que faire donc?
  De nos jours, Gold Fields qui a piloté les négociations avec les populations, n’existe plus sur le terrain.  Essakane SA aujourd’hui est entre les mains de la société canadienne Iamgold. C’est ellequi a hérité de l’ctif et du passif de Gold Fields et de Orezone. Lorsqu’on parcours le fameux mémorandum, tout ce qui avait été prévu a été  presque totalement réalisé pour le compte des populations par Iamgold- Essakane SA. On ne peut donc rien reproché à cette société vis-à- vis des accords conclus en 2007 avec les communautés affectées. Cependant; Iamgold- Essakane SA doit jouer balle à terre en reconnaissant tout de même des limites objectives à ces accords  en (re)ouvrant  un dialogue franc d’ avec les communautés. En tout cas,  la situation de mendicité qui semble prévaloir de nos jours à Essakane au niveau des communautés affectées  doit cesser pour faire place à un véritable partenariat gagnant gagant entre les différentes parties. Mais malheureusement, il semble que Iamgold  serait entrain de reproduire les mêmes erreurs que Iamgold. En tout cas depuis un certain temps, on voit se tenir ici et là des concertations entre la société et de soits disant réprésentants des populations.  Le jeudi 17 mars, une rencontre du genre s’est tenue à la mairie de Gorom. Ceux qui étaient présents et qui prétendaient parler au nom des populations sont les mêmes ayant participer aux premières négociations. Et comme la première fois, l’on a invité l’administration Que va chercher le Haut- Commissaire de l’Oudalan dans ces négociations. Sa présence ne risque t- elle pas d’influencer négativement les débats en défaveur des populations? Le Haut- Commissaire ne pouvait-il pas se mettre en retrait et jouer le rôle d’arbitre?  Que faut- il attendre de ces négociations? En réalité pas grand car d’un côté vous avez une société minière toute puissante, sûr de son bon droit ayant les moyens de sa politique, et en face, des crève- la faim et non de véritables partenaires. La preuve, tous ceux qui sont venus à ces «négociations» furent tranportés dans des car « Iamgold- Essakane SA». Certainement que chaque conseiller a eu droit à un bidon d’eau «lafi» et une petite enveloppe question de faire un tour au marché de Gorom. Comme l’a dit quelqu’un, la véritable négociation  entre Essakane SA et la population, la vraie, n’a pas encore commencé. La vraie négociation commencera quand la jeunesse, la vraie mettra hors d’état de nuire, tous ceux- là qui, depuis des années se nourrissent éhontement de la sueur des populations . Absolument. 
Le fou d’Essakane



29/03/2011
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